• La vigueur de l'euro fait sentir ses effets négatifs sur l'industrie européenne, et de plus en plus de voix dénoncent une politique monétaire « restrictive » de la Banque centrale européenne (BCE). Entre ceux qui soulignent le déficit de compétitivité avant tout structurel de l'économie française, et les autres qui s'alarment d'une désindustrialisation accélérée du pays en raison de la donne monétaire actuelle, que faut-il penser ? Entretien avec Jacques Généreux. La BCE a relevé ses taux sept fois depuis 2005 et va les relever encore, à 4 %. Pourquoi ? Jacques Généreux : Ce n'est pas une surprise. Les traités assignent à la BCE de donner la priorité à la stabilité des prix. Dès l'instant où elle commence à réviser ses prévisions de croissance et voit l'inflation se rapprocher de la limite de 2 %, la hausse des taux est quasi certaine. L'euro est-il surévalué ou son niveau reflète-t-il le « dynamisme de l'économie européenne », comme le dit l'OCDE ? Jacques Généreux : Il y a trois raisons à l'appréciation continue de l'euro. D'abord, pour la première fois depuis dix ans, la zone euro a une croissance plus élevée que les Etats-Unis. D'où un afflux de capitaux vers la zone euro et une appréciation de la monnaie. Ensuite, la BCE accentue ce mouvement en relevant ses taux et, comme cette politique suit une doctrine constante et prévisible, elle incite les spéculateurs à anticiper la hausse en renforçant leurs placements en euros. Enfin, tandis que les autres puissances ont une politique délibérée de dépréciation de leur monnaie, l'UE n'a aucune politique de change. En théorie, les gouvernements de la zone euro doivent définir les orientations de la politique de change, mais, faute de consensus, ils n'en définissent aucune. Et ces éventuelles orientations ne pourraient contraindre la BCE à mener une politique de taux qui contrarie son objectif prioritaire de stabilité des prix. Si la hausse de l'euro reflète en partie la force économique de l'Europe, elle montre aussi sa faiblesse politique. Cette hausse menace-t-elle nos industries comme s'en alarment certains patrons ? Jacques Généreux : Il y a des gagnants et des perdants. Parmi ces derniers, on trouve les exportateurs de produits industriels fabriqués dans la zone euro et vendus en dehors : aéronautique, armement, automobile, pharmacie... Un euro qui frôle 1,40 dollar devient un facteur de délocalisations vers la zone dollar, comme l'a noté Airbus. Sont aussi pénalisés les producteurs de biens de consommation exposés à la concurrence américaine ou asiatique, et leurs salariés qui subissent ce chantage : modération salariale ou délocalisation. Mais il y a des gagnants : ceux qui importent et paient en dollars les matières premières ou qui vivent de la distribution de produits importés ; les consommateurs européens qui bénéficient de meilleurs prix ; les spéculateurs. Tous les pays sont-ils égaux face à l'euro ? Jacques Généreux : Certains s'en sortent mieux, comme l'Allemagne ­ premier exportateur mondial ­, dont la compétitivité, structurelle, vient de la qualité de ses spécialisations. Quand vous faites des produits hauts de gamme et à forte valeur ajoutée, le prix n'est plus le critère essentiel et la sensibilité aux variations de change, moindre. La France est plus portée vers les biens de consommation et les pays susceptibles d'acheter nos biens d'équipement - un quart de nos exportations - sont souvent situés hors de la zone euro. Ces divergences d'intérêt montrent que l'euro fort n'est pas bon ou mauvais. La science économique elle même serait bien en peine de dire quel est le bon taux de change. S'il n'y a pas de taux de change idéal, sur quels critères faut-il se définir ? Jacques Généreux : Sur une hiérarchie des finalités sociales qui reflète un choix purement politique. Exemples. Le pétrole est meilleur marché grâce à un euro fort. Soit, mais faut-il favoriser ainsi sa consommation, ou vaut-il mieux que les prix des produits pétroliers reflètent leur rareté et leur nocivité réelle afin de nous inciter à nous tourner vers des sources d'énergie renouvelables et non polluantes ? Faut-il préserver une industrie aéronautique européenne ou acheter moins cher nos écrans plats coréens ? Voilà en quels termes les questions devraient se poser, en termes de stratégie industrielle et de modèle de société. En démocratie, un tel arbitrage ne peut être confié qu'à des gouvernements élus, et non à une Banque centrale qui applique mécaniquement une doctrine constante : le monétarisme. Pour parvenir à ces changements, il faut donc changer les statuts de la BCE ? Jacques Généreux : C'est le minimum, mais c'est difficile puisqu'une telle réforme exige l'unanimité. Cela n'interdit pas de se mobiliser pour obtenir au moins la révision des objectifs de la BCE, sans remettre en cause son indépendance. Telle la Fed américaine, la BCE devrait poursuivre une politique monétaire visant la croissance, le plein emploi et la stabilité des prix et arbitrer entre ces objectifs en fonction de l'urgence. De plus, comme aux Etats-Unis, les délibérations de la BCE devraient être rendues publiques, et offrir ainsi aux citoyens les moyens d'évaluer l'orientation de la politique monétaire. Nicolas Sarkozy n'a cessé, durant sa campagne, de s'en prendre à l'euro fort. Il promet de doter la zone euro d'un « gouvernement économique ». Est-ce la solution ? Jacques Généreux : Il a déjà changé d'avis en déclarant qu'il ne remettrait pas en cause les statuts de la BCE ! Et, de toute façon, l'Europe a déjà un gouvernement économique : la BCE. Ce qui lui manque, c'est un gouvernement politique capable de définir à la majorité (et non à l'unanimité), une politique de change, une politique industrielle, des instruments de protection contre la concurrence déloyale... L'Europe me fait penser à une armée qui part en guerre sans ses armes. Elle est la plus exposée à la guerre économique mondiale, mais elle s'interdit d'employer les instruments qu'utilisent ses concurrents américains, japonais ou chinois pour défendre leurs intérêts. Entretien réalisé par Christophe ALIX.

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  • Mes chers camarades, je crois que nous allons ce matin dire à peu près la même chose parce que nécessité fait loi. Nous sommes au lendemain d'une défaite, mais à la veille d'une bataille, et ce n'est pas effectivement à la veille d'une bataille qu'on entreprend l'inventaire de ses faiblesses ou de ses erreurs, je suis persuadé que Von Klosvitz* n'aurait passé d'accord avec cet état d'esprit-là. J'ai quand même entendu ce matin des choses agréables aussi, et je me félicite de ce que l'on dise : il faudra tirer les leçons, car je voudrais rappeler quand même, et puis ensuite de passerai à autre chose, qu'en 2002, ceux qui ont souhaité faire l'inventaire de la défaite, ont été minoritaires. Et j'entends bien qu'aujourd'hui on le déplore, qu'on explique qu'il aurait fallu s'y prendre bien avant, mais ayons en mémoire un certain nombre de choses et ne reproduisons pas à l'avenir les erreurs que nous avons commises dans le passé. Mes chers camarades, nous avons écouté notre candidate, que je remercie pour la campagne qu'elle a menée, qui a fait quelques considérations, et aussi quelques propositions, dont il faudra débattre, sur l'une d'entre elles en particulier, je pense que, dans les partis de gauche, dans les organisations collectivités, la réflexion doit être collective. Nous n'avons pas, comme la droite, le culte du chef qui pense à la place des troupes. Nous avons à gauche une autre tradition qui est celle de l'élaboration collective, et qui est ensuite, effectivement, comme cela vient d'être dit par Harlem, le choix de la personne la mieux à même d'incarner cette vision collective, ou tout simplement la mieux à même d'être en situation de l'emporter, parce que cela compte aussi, n'est-ce pas, être ou ne pas être en situation ? Mais j'arrêterai parce que, si on commence sur un sujet, on peut être entraîné sur d'autres et, à ce moment-là, nous allons commencer à faire ce qu'il ne faut pas faire, c'est-à-dire l'analyse de la défaite. Moi, je ne vous demande à ce sujet qu'une chose a priori, c'est que nous évitions les uns et les autres, et ce ne sera pas facile, d'instrumentaliser nos analyses. Car je sens bien que c'est déjà parti, l'instrumentalisation des analyses, et ça ne nous rapportera rien. Écoutons et regardons ce que d'autres aussi vont dire, écrire et penser, prenons le temps de la réflexion. Deuxièmement, en finir avec les mots creux, les phrases toutes faites. Mes chers camarades, j'entends parler de socialisme du réel. Mais est-ce qu'il y en a un seul dans cette salle, ou une seule, qui est partisan ou partisane du socialisme de l'irréel ? Je n'en connais pas et je me demande si on ne confond pas là réalité et vérité. Alors que nous cherchions ensemble et que nous nous rapprochions de la vérité, de la vérité de ce que pensent nos concitoyens, de ce que sont leurs craintes et de ce que sont leurs aspirations, ça, oui, c'est notre première priorité, cela devra être notre travail de fond. De même, j'entends modernisation. Moi, je demande qui est contre. Personne à ma connaissance, la modernisation. Mais tout ça, mes chers amis, tout comme d'ailleurs antilibéral, réformiste, social-démocrate, ce sont des mots ! Et ce qui compte, ce sont les réalités qui sont derrière ces mots, c'est l'analyse des contenus, c'est le référencement politique car, comme le disait tout à l'heure Benoît, je retiens de cette campagne au moins une chose, c'est que celui qui a gagné cette campagne a mené une bataille idéologique et politique cohérente, claire et lisible. Et que celles et ceux qui nous sommes depuis des années de renoncer à la politique, à l'idéologie, en réalité, en réalité nous poussaient vers l'erreur, pas vers le succès. Et je retiens aussi que, pour gagner cette bataille, il s'est appuyé sur un parti puissant, sur un parti qui rassemblait pour l'essentiel toute la droite. Il y avait déjà eu, au sein de l'UMP, une fusion entre ce qui était l'UDF d'avant Bayrou et le RPR. Et c'est cette formation puissante, et le fait que son président soit le candidat, qui a donné aussi force et cohérence à la bataille, au candidat. Donc, tout cela, nous devons l'avoir présent à l'esprit. Pour l'instant, nous sommes donc à la veille d'une bataille. Dire que nous allons gagner, nous sommes obligés de le dire. La crédibilité de cette victoire, nous le savons aujourd'hui, parmi nos concitoyens, elle est faible. Elle n'est pas impossible, mais elle est faible. Alors que leur dire ? Ce que disait ce matin notre premier secrétaire, qu'il leur faut dans ce pays des parlementaires de gauche aussi nombreux que possible pour essayer de limiter la casse parce que les victimes de cette victoire de M. Sarkozy ne sont pas dans cette salle comme l'a dit François Hollande ce matin. Les victimes, les futures victimes de cette victoire de M. Sarkozy, ce sont les millions de Françaises et de Français qui vont voir reculer leurs droits, reculer leur système de protection, qui vont voir durcir leurs conditions de travail, qui vont voir s'obscurcir leur horizon, qui vont voir exploser les inégalités sociales. C'est à elles et c'est à eux que nous devons penser en priorité. Alors, à la veille de cette bataille, qui se situe dans un contexte un peu d'émotion, sachons faire taire les ambitions, sachons faire preuve de modestie, sachons faire preuve de dynamisme car ce parti, tel qu'il est, va être l'outil pour limiter la casse, pour essayer de faire en sorte que la brèche soit la moins large possible ; ce parti qu'il faudra revoir, reconstruire, Benoît s'est exprimé là-dessus tout à l'heure, reconstruire, mais pas simplement sur une question de frontière, aussi de référencement. Nous avons, mes chers camarades, une façon de considérer que les précédents historiques sont connus de tous nos concitoyens qui est désastreuse, c'est avec des exemples nouveaux, des matériaux nouveaux, qu'il faut faire la démonstration de la société que nous voulons construire, et non pas simplement en renvoyant, comme nous le faisons souvent, à une histoire qui malheureusement est très méconnue. Alors, il va falloir faire tout ce travail, et sur notre gauche, et sur notre droite. Et, de point de vue -là, parce qu'on avait déformé certains des propos que j'avais tenus en disant qu'il fallait un grand parti progressiste en disant..., une fois de plus, la caricature : il faut aller chercher les gauchistes, les antilibéraux, mais ailleurs non, sur notre droite et sur notre gauche. Moi, je ne suis pas docteur en progressisme, je ne suis pas docteur en socialisme, et aucune et aucun d'entre nous ne l'est. Ce que nous devons faire, c'est en appeler à toutes les femmes et à tous les hommes, et c'est à elles et à eux de savoir s'ils veulent appartenir, non pas peut-être à cette terminologie du passé de gauche et de droite puisqu'on nous l'explique, mais à cette réalité incontournable qu'est le progressisme ou le conservatisme. C'est à chacune et à chacun de savoir dans quel camp il veut être et quelle est la pierre qu'il veut apporter à l'édification de ce camp. Nous ne sommes, ni gardes-barrière, ni garde-frontières, ni docteurs de la loi. Mettons-nous au travail, allons d'abord à la bataille avec détermination. Mettons-nous au travail ensuite, si possible avec sérénité, ce sera difficile, mais ce n'est pas impossible, et vous verrez que peut-être l'échéance qui s'annonce devant nous, si longue, qu'évoquait tout à l'heure Dominique en disant : « Non, pitié, cinq ans, c'est déjà beaucoup. », pourrait se rapprocher. J'ai le souvenir, mes chers camarades, qu'à un autre moment difficile de notre histoire, je pense à 1993, je pense aussi à 1995, quelqu'un est venu rue de Solferino, qui a fait un discours improvisé. Il sortait de l'Élysée, il le quittait. Et je me souviens de ce discours. Il nous a dit : « Personne ici aujourd'hui ne le croira, mais vous serez vous-mêmes étonnés de la vitesse à laquelle vous reprendrez les rennes du pouvoir. » C'était en 1995, deux ans après cela s'est produit. Je ne pense pas que ce genre de conjoncture puisse se renouveler dans les mêmes termes, mais j'en retiens l'idée que, même lorsqu'on a le sentiment d'être au fond du trou, il ne faut jamais oublier qu'on a la capacité et la possibilité de renouer avec l'espoir de la victoire.

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  • Texte adopté par 36 voix pour, 14 abstentions, et 2 NPPV

    par le Conseil national du NPS

    Paris le 6 octobre 2006

    « Dans les crises politiques, le plus difficile pour un honnête homme n'est pas de faire son devoir, mais de le connaître. »

    Chacun d'entre nous est tendu vers un seul objectif : battre la droite en 2007. En même temps, chacun d‘entre nous s'interroge légitimement sur le meilleur moyen d'y parvenir.

    A quels principes pouvons-nous nous en remettre quand le doute malmène nos certitudes ?

    Essentiellement à notre patrimoine politique commun, c'est-à-dire ce que nous croyons juste de dire et de faire. Nous ne sommes pas des militants socialistes nés il y a quelques jours, vierges de toute expérience, de toute connaissance et de toute conviction.

    Depuis quatre ans, en tant que courant du Parti Socialiste, nous avons analysé les fractures béantes de la société française, nous avons fait respirer la politique là où les institutions de la cinquième république asphyxient le débat démocratique, nous avons combattu la cécité de certains responsables socialistes face à la dérive libérale de la construction européenne et face à l'impact social de la mondialisation.

    Ces quatre années laissent le souvenir de belles conquêtes lors des victoires électorales des régionales ou des européennes, lors du 29 mai 2005, ou du mouvement contre le CPE. Mais elles incluent aussi le goût amer d'une société devenue plus violente, plus dure avec les faibles, plus incertaine, plus soumise que jamais aux intérêts des puissances financières.

    Ce que nous voulons, ce n'est pas seulement lever une espérance en faveur d'un homme ou d'une femme providentiel(le), c'est répondre concrètement à la demande démocratique et sociale. C'est pour cela que le NPS a pesé de toutes ses forces sur l'écriture du projet des socialistes. Nous voulions que celui-ci soit le plus légitime possible au moment d‘entrer dans une campagne dont nous savions que la personnalisation risquait d'éclipser.

    A l'heure où le parti semble convulser, saisi tout entier par le vertige de la présidentialisation et de la personnalisation, l'idée que nous nous faisons de notre devoir de militants socialistes, consiste à réaffirmer que notre rôle est et doit être de préférer le projet à son interprète. A l'heure où un dirigeant du PS affiche l'ambition de changer la nature de notre parti pour l'adapter, aux lendemains de l'élection présidentielle, aux institutions de la cinquième République, l'un des choix qui est en jeu se situe entre un parti d'orientation, de réflexion collective et de structuration du débat politique et celui d'un parti de supporters.

    Cette campagne de désignation interne conduira des militants du NPS à réaliser des choix différents. Condamne-t-elle le NPS ? Nous ne le croyons pas. Nous ne l'acceptons pas.

    Notre débat à Saint-Nazaire a rappelé avec force la volonté unanime des militants à maintenir l'unité d'un courant dont l'influence, les idées et la force, seront indispensables au candidat désigné en novembre.

    Mais au delà, un courant comme le notre conserve une fonction indispensable pour encourager le rassemblement de la gauche aux côtés des socialistes, et pour maintenir le parti en éveil aux côtés du futur gouvernement de gauche si, comme nous le souhaitons, nous l'emportons en 2007.

    Le Premier secrétaire a décliné l'appel à rassembler les socialistes autour de sa candidature.

    La tentation de la captation de tout ou partie de NPS par tel ou telle candidat(e) existe. Tout ce qui divise le NPS l'affaiblit et réduit en conséquence ses capacités à influencer l'avenir.

    Le rôle du NPS ne peut pas se réduire à l'ajout de quelques noms dans la liste d'un comité national de soutien.

    Les candidats sont maintenant connus. Le choix ne dépendra pas tant de leur programme (tous s'engagent à respecter le vote du 21 juin) que de la manière dont ils comptent l'appliquer :

    - Quelle stratégie de rassemblement pour la gauche dès le premier tour ?

    - Quels leviers et quel agenda à la question de la hausse du pouvoir d'achat et des salaires ?

    - Au delà du rejet de la constitution européenne, quelles propositions concrètes pour la présidence française de l'UE en 2008 ?

    - Quelles mesures et quel calendrier de réforme institutionnelle pour une nouvelle République parlementaire ?

    - Comment faire vivre un parti politique collectivement et collégialement dans des institutions qui ne le permettent pas ?

    Nous proposons donc de les interpeller sur ces choix politiques et stratégiques afin mener le PS et toute la gauche à la victoire en 2007.

    Nous nous engageons à respecter le voeu exprimé par les militants à Saint-Nazaire en faveur de l'unité du courant. Nous nous engageons à ne rallier aucun candidat en le faisant au nom du NPS. Nous voulons que les exigences politiques, telles que nous les avons définies dans notre texte commun à Saint-Nazaire, l'emportent sur toute autre considération. Nous souhaitons rester, dans les divisions liées à la compétition interne, comme dans les phases ultérieures, un pôle de stabilité et de responsabilité. Nous nous engageons à trouver les voies d'un dialogue exigeant et constructif avec les candidats pour faire du respect du projet, du rassemblement de la gauche et d'une certaine conception du parti socialiste, les principes et repères d'une campagne électorale qui nous conduise à l'indispensable victoire.


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  • Si l'on veut bien faire abstraction de la réalité virtuelle qui enfle régulièrement six mois avant chaque présidentielle quelle est aujourd'hui la véritable situation ?





    Au départ de la séquence que nous vivons, il y a l'accident politique du 21 avril, et le second tour calamiteux qui s'en est suivi où, sous prétexte de sauver la République, nous avons sérieusement abîmé la Gauche. Cela a donné Jacques Chirac élu avec 82 % des voix, c'est-à-dire autant sinon plus de voix de Gauche que de Droite. Puis, juste derrière, pour cause d'erreur funeste d'inversion de calendrier - quelle faute, mes Camarades - nous avons subi l'échec des législatives que nous avions nous même programmé et théorisé.



    S'appuyant sans vergogne sur l'ambiguïté politique de la situation, la Droite s'est alors résolument lancée dans une tentative de liquidation de ce qui subsiste de l'Etat Providence, de ce modèle social français, qui encombre le MEDEF depuis si longtemps. Après la libre circulation des capitaux et des marchandises, le Code du Travail – frontière où s'arrêterait la liberté, selon Mme Parisot- était le dernier bastion à faire tomber. Et elle s'y est employée ardemment, remettant en cause les 35 heures, imposant le CNE, puis s'essayant sans succès au CPE. Sur le plan fiscal, elle a mené une véritable politique de classe. Politique qui débouche aujourd'hui sur une explosion des inégalités et une crise des finances publiques sans précédent, crise qu'elle s'efforce de transférer sur les collectivités locales, sous prétexte de décentralisation.



    Le pacte républicain n'a pas été mieux traité : communautarisme larvé et discrimination positive, ces deux jumeaux homozygotes du conservatisme, ont fait leur apparition dans les discours et dans les faits. Les problèmes réels et ultra sensibles de l'immigration et de la sécurité ont été instrumentalisés et le sont plus que jamais, plutôt que traités avec l'efficience et le sérieux qu'ils méritaient. Le résultat de cette instrumentalisation au service des ambitions électorales d'un homme qui récidive à toute occasion débouche sur la crise des banlieues et une augmentation de 27% des violences sur les personnes depuis 2002. On n'ose imaginer ce que titrerait la presse de droite si la gauche avait échoué de manière aussi évidente... J'aimerais, a ce sujet, que l'Ifop pose la question suivante : « Sachant que les violences aux personnes ont augmenté de 27% depuis que M. Sarkozy est ministre de l'intérieur, pensez vous qu'il soit le mieux placé pour lutter contre l'insécurité ?». Mais je rêve !





    Oui, le bilan de cette droite est un échec et sa situation politique est grotesque. Pensez donc ! Le Numéro Deux du Gouvernement, Président du parti majoritaire, sans le soutien duquel le Gouvernement n'existerait pas, se dit en rupture avec la politique qu'il mène depuis 5 ans. Au pays de Descartes, il est le seul à se regarder marcher dans la rue depuis sa propre fenêtre. Caracolant sur les esplanades cathodiques comme le Général Boulanger sur celle des invalides autrefois, il met pied à terre à Washington pour stigmatiser l'arrogance du pays qu'il prétend chevaucher. Du soleil, il n'a que la trajectoire : comme lui, il se couche à l'Ouest !



    Mais il y a pire ! Il y a ce qui se prépare !



    Appuyé sur le CAC 40 et ses filiales médiatiques, ayant réussi à circonvenir son ancien maître et son Parti, il s'apprête, porté par l'argent et la crainte qu'il cultive, à infliger à la France une purge néo-conservatrice que ses supporters zélés doivent rêver irréversible. Tout y est : l'alignement sur les Etats-Unis, le communautarisme, l'autoritarisme, la discrimination positive, la suppression de la carte scolaire et des régimes spéciaux, l'immigration à la carte, l'ultra-libéralisme économique, sans oublier Doc Gynéco et Johnny Halliday. La France d'après, comme dit l'UMP, ce sera, pour l'immense majorité de nos concitoyens, la France d'après la République. La France d'après le pacte citoyen et social, d'après la solidarité, d'après la fraternité. Bref, une France passé au karcher et soumise à l'autorité de l'empereur du bureau ovale et de son proconsul hexagonal.



    La France a résisté dans les urnes en 2004 et en 2005. En 2006 elle a résisté dans la rue, contre le CPE, combat exemplaire où nos jeunes camarades, dont certains, et non les moindres, sont ici présents, ont pris une part exemplaire et prépondérante. Je les salue et je leur dis que sans eux et la responsabilité qui est la nôtre, vis à vis de la jeunesse de ce pays, je ne serais peut être pas là... Rétive au néo-libéralisme, la France devrait l'être davantage encore à ce néo-conservatisme importé d'outre atlantique. C'est pourquoi nous avons une possibilité sérieuse de victoire, et aussi un devoir de victoire.





    Encore faut-il que les choses soient claires, que la confrontation soit assumée, que l'enjeu et que le débat soient politiquement bien positionnés. Que l'on ne confonde pas, une fois de plus, le mirage du second tour avec la réalité du premier.



    Et ceci d'autant plus que je pense, mes chers camarades, après y avoir bien réfléchi, que notre pays, comme beaucoup d'autres en Europe, s'avance vers une période difficile de son histoire. Sous les effets conjugués des conséquences sociales non maîtrisées de la mondialisation et de la pression migratoire, ce qui devait arriver est en train de se produire : les opinions publiques se laissent gagner par une tentation populiste dangereuse dont l'inspiration se situe à l'extrême droite de l'échiquier des valeurs politiques plutôt que dans le répertoire des valeurs humanistes de la gauche. Dès 1994, au sommet européen d'Essen, en Allemagne, notre camarade Wratnisky, futur chancelier d'Autriche, avait pronostiqué que si la Social-Démocratie n'offrait pas une alternative à l'évolution en cours, l'Europe pourrait connaître des années noires. Le diagnostic était juste, mais les actes n'ont pas suivi. La Social Démocratie, au contraire, en se ralliant de facto à la mondialisation, a donné et donne le sentiment d'être dans l'incapacité d'offrir cette alternative. Pire, le Social Libéralisme est perçu pour ce qu'il est en réalité : un avatar d'accompagnement de cette prétendue libéralisation dont nous savons, nous, qu'elle débouche en réalité sur l'exclusion et la précarisation des salariés et la toute puissance des forces de l'argent.



    En traduction française, cela veut dire que Sarkozy court ostensiblement derrière Le Pen. Cela veut dire que nous ne devons pas commettre l'erreur historique de courir derrière lui.





    C'est pourquoi - je vous le demande avec gravité- soyons vigilants et exigeants. Soyons celles et ceux dont la lucidité, le désintéressement et le courage évite à notre parti, et à travers lui à toute la gauche, une débâcle politique et morale.





    Défendons notre projet, ne le laissons pas interpréter au gré des humeurs et des pressions de l'air du temps. Exprimons avec clarté ce que sont nos exigences, parce que ces exigences sont celles de la victoire, pour demain, comme pour après demain.





    Mes chers Camarades, NPS n'a pas à rougir de son action.



    D'abord parce que nous avons toutes et tous, ici, à des degrés divers d'engagement, œuvré à la victoire du Non en interne comme en externe, dans le parti comme devant les français. Et ce faisant, nous avons fait la démonstration, malgré les sondages, malgré la virtualité annoncée et martelée d'une victoire annoncée du Oui, que nous étions en phase, non seulement avec les craintes et les aspirations de notre peuple, mais aussi d'une écrasante majorité de la Gauche française. Y compris lorsqu'elle se réclame du vote socialiste.



    Nous avons ensuite, et, je le sais, malgré les réticences de beaucoup d'entre vous, fait prévaloir le principe de responsabilité, en acceptant une synthèse qui n'allait pas de soi avec celles et ceux qui nous menaçaient d'exclusion quelques mois auparavant.



    Nous l'avons fait au nom d'un impératif simple, à savoir que la Gauche ne peut gagner que si elle rassemblée. Sauf à changer d'alliance et de destin pour une aventure centriste dans laquelle elle se dissoudrait pour longtemps et qui déboucherait rapidement, j'en suis certain, sur une subversion de notre démocratie et de notre république par les deux extrêmes.



    Nous l'avons fait parce qu'a l'évidence, un parti divisé ne peut pas prétendre rassembler la gauche tout entière, sauf a être dirigé par celui qui incarnait cette stratégie dont il était le concepteur : je parle de François Mitterrand.



    Nous nous sommes ensuite, sincèrement et consciencieusement, investis dans le projet et sa diffusion ,y consacrant tout l'hiver et tout le printemps. Nous l'avons fait avec modestie et sans trop d'illusion, mais nous l'avons fait.



    Nous avons ensuite, bien qu'étant le plus important courant du PS, eu la sagesse de ne pas allonger la liste des candidatures, bien que beaucoup, parmi vous l'aient souhaité, pour des raisons qui avaient leur logique.



    Et c'est parce que nous avons fait tout cela ensemble que nous devons rester ensemble le courant le plus important du PS, qui revendique haut et fort le droit de faire prévaloir la raison dans l'espace limité qui subsiste aujourd'hui entre le choc des ambitions, la fébrilité des opportunismes, le désabusement ou l'engouement.



    Oui je revendique cela en notre nom à toutes et à tous, le droit de rappeler avec force, en un moment où il n'est pas encore trop tard, pour éviter que ne se cristallisent des logiques de divisions, ce que sont les conditions de la victoire, qu'il s'agisse du fond ou de la stratégie.



    Sur le fond, c'est ce que nous faisons avec le texte qui est aujourd'hui présent sur vos tables.





    De ce texte, je ne vais pas faire un commentaire exhaustif. Je me contenterai simplement de quelques remarques et de quelques mises au point, à titre d'exemple, sur des sujets sensibles dont il serait irresponsable de sous estimer la portée symbolique et politique.





    Nous avons certes un projet qui engage tous les socialistes. Mais force est de constater que si tous les postulants et postulantes à la candidature s'en réclament, par nécessité liturgique et électorale interne, son interprétation et sa hiérarchisation sont quelque peu diverses et variées. Je ne vois pas pourquoi, dans ces conditions, et au prétexte que nous sommes les seuls à observer ce que j'appellerai la vertu «  d'abstinence candidaturale », nous serions les seuls à devoir nous taire.



    S'agissant des institutions, nous risquons, par manque d'audace, de passer à côté de la cause principale qui nourrit la crise politique dans laquelle se débat de notre pays. Il ne suffit pas de dire que ces institutions sont devenues absurdes par obsolescence. Il faut dire haut et fort que la pratique politique a été totalement dévoyée parce que nous sommes la seule démocratie occidentale où le principe fondamental de responsabilité politique est foulé aux pieds. Cohabitation après cohabitation, vote bafoué après vote bafoué, la souveraineté du peuple se vide de son sang. Le couperet électoral passe, en 2004, en 2005 : la monarchie républicaine s'en moque, se contentant d'attendre, avec le retour des vacances, la remontée des opinions positives. La rue s'enflamme, la mobilisation sociale atteint des sommets ? Peu importe : le monarque décide seul, et lui seul, d'infliger à l'opinion qui n'en veut plus et à sa propre majorité qui n'en peut mais, le maire du palais qu'il s'est choisi, et dont on ne sait s'il est son obligé ou son geôlier. Et la liste n'est pas clause. Heureuses nations, heureux partis où les leaders démissionnent quand ils perdent les élections ! Heureuses démocraties où le verdict des urnes est suivi d'effets immédiats, où les ministres ne sont pas en rupture avec l'action des gouvernements qu'ils portent sur leurs épaules. Heureux pays où la démocratie se tient debout parce qu'elle est vertébrée par le respect et la pratique rigoureuse du principe de responsabilité politique qui est indissociable du respect du citoyen !



    Oui mes camarades, sur ce terrain là, nous mettons la barre beaucoup plus haut, et veillerons à ce que le débat soit dans le débat. Nous attendons que celle ou celui qui sera notre candidate ou notre candidat, par delà les considérations utiles sur la démocratie participative, prenne des engagements irréversibles. Celui de soumettre chaque année au vote du parlement une déclaration de politique générale. Celui de respecter la constitution en n'engageant pas des forces militaires sans un vote du parlement. Celui de ne pas cohabiter dans n'importe quelle circonstance, c'est-à-dire de ne pas s'appuyer sur la décision d'hier pour nier ostensiblement celle du moment. Celui de ne plus organiser de votes sans débats. Celui de tirer les conséquences d'une convocation aux urnes dont il ou elle aurait pris la responsabilité : bref, de rendre le pouvoir au peuple qui a le sentiment, à juste titre, de l'avoir perdu.





    S'agissant de la République, nous devons être exigeants et ne pas accepter que les principes qui la fondent soient remis en cause. Nous ne devons pas admettre que le modèle d'intégration républicain soit stigmatisé au moment même où l'étude la plus sérieuse jamais produite sur le sujet - qui plus est par un institut anglo-saxon - démontre que, malgré ses faiblesses, voire ses blessures béantes, ce système est celui qui donne de très loin les meilleurs résultats. Que le modèle présente aujourd'hui de sérieuses lacunes, qu'il soit malade, nul n'en doute. Mais on n'achève pas les malades : on les soigne ! Je n'accepte pas que l'on supprime la carte scolaire parce que je n'accepterai jamais que l'on mette en route, à rebours de l'histoire et du progrès, un processus qui aboutirait a ce qu'il y ait des écoles de riches et de pauvres, de blancs et de noirs, de privilégiés et de condamnés par la naissance. Oui je sais, je sais que cela existe et même que cela se développe. Et ce n'est pas à notre honneur. Mais gouverner ce n'est pas se résigner. Partir du réel pour aller vers l'idéal, ce n'est pas condamner l'idéal au motif qu'il n'est pas encore le réel. Je veux bien que l'on cite Jaurès à tous moments. Mais je n'accepte pas qu'on lui fasse dire le contraire de ce qu'il nous a légué. Je veux bien que l'on change de logiciel parce que le mouvement même de la vie est celui d'un perpétuelle évolution, mais changer de logiciel ce n'est pas changer de veste. Ceux qui connaissent l'informatique savent qu'il ne faut pas confondre logiciel et système d'exploitation !



    Même chose pour la discrimination positive, qui est à l'égalité ce que l'offrande est à la misère, ce que la compassion est à la justice sociale

    .



    Sur l'immigration, attention !





    Nous avons fait notre choix : celui d'une immigration partagée. C'est un choix lourd, responsable, humaniste, sur un sujet dont l'importance est déjà considérable et dont les implications vont littéralement dominer le champ politique. Un sujet sur lequel nul n'a le droit de se livrer a des improvisations, sauf à prendre le risque de déclencher de véritables cataclysmes.



    Attention aussi sur la laïcité. Ne laissons pas grignoter ce principe de tolérance au nom justement de la tolérance ! Au risque d'ouvrir toutes grandes les portes de l'intolérance alors que l'intégrisme religieux menace, dans un monde où des fous prônent ouvertement ou implicitement l'affrontement entre civilisations.





    S'agissant de l'Europe, nous avons obtenu des avancées réelles. Mais nous n'accepterons pas que la problématique essentielle, celle qui a pesé si lourd sur le vote des français, la question de l'avenir de l'industrie européenne, des délocalisations, soit passée sous silence. Certes nous avons obtenu que l'on inscrive dans le projet une réactivation du TEC (Tarif Extérieur Commun) Mais au moment où la Chine instaure des droits de douane de 60% sur certains de nos produits, nous ne pouvons faire l'impasse sur les conséquences a terme du libre-échange sans précaution. Ne vous y trompez pas, mes camarades, dans chaque circonscription, dans le pays tout entier le sujet est d'une brûlante actualité. Ceux qui gardent la tête dans le sable finiront par l'y perdre. A nous de leur éviter cette mésaventure.



    Il y a enfin la question sociale. Je me contenterais de dire aujourd'hui que cette question est la marque distinctive de la gauche et que nous sommes particulièrement attendus sur ce terrain là. Qu'il s'agisse des exclus ou des classes moyennes durement précarisées, nous devons prendre l'engagement de faire reculer l'inégalité sous toutes ses formes. Au bout du bout, un régime de gauche qui échoue sur ce défi sera condamné. Nous serons jugés sur l'évolution respective des diverses catégories de revenus et plus précisément des salaires part rapport aux autres catégories.





    Quant à la dispute philosophico-politique sur la valeur travail - un exemple parmi d'autres de sujets à manier avec rigueur - ne vous laissez pas abuser. Pour l'essentiel, la valeur du travail est celle de sa rémunération. Pour le reste, ce débat est plus instructif par ce qu'il ne dit pas que par ce qu'il exprime. Exalter la valeur travail est souvent le moyen le plus élégant de stigmatiser, sans s'abaisser à le faire, les prétendus ravages de l'assistanat. Il peut être utile aussi pour inciter les bas salaires à accepter dans la joie leur triste sort, les classes moyennes leur régression sociale et les jeunes cadres leur précarité et leur stress. Vous observerez avec moi que les bénéficiaires de stock-options ont préféré ce type de motivation à tout discours sur la valeur travail. En fait, au bout de ce discours, on pourrait, à la limite, rencontrer des gens heureux de payer pour travailler. La récente campagne de la droite en Suède a été, dans le genre, un véritable chef d'œuvre. Attention donc a ce genre de discours apparemment bien intentionné et souvent bien reçu : ils explosent à retardement !



    Je pourrais également parler de la sécurité, des services publics, des universités, des retraites en général et des régimes spéciaux en particulier. Et de bien d'autres sujets encore, qu'ils soient réputés tabous ou rituels.



    Ah, ces tabous mes camarades ! Ces fameux tabous qui, comme les corporatismes, ne sont invoqués et ne suscitent la réprobation ou l'indignation que lors qu'ils sont réputés de gauche.





    Oui, je pourrais continuer, et je le ferai ailleurs et autrement, n'en doutez pas ! Mais comme le temps presse Venons en maintenant à la partie stratégique, sans doute la plus attendue.





    Je l'ai déjà dit et vous le savez toutes et tous, la gauche ne peut gagner au second tour que si elle est rassemblée. Mais, comme nous l'a rappelé durement le 21 avril, pour se présenter au second tour, il faut passer le premier.



    C'est la raison essentielle pour laquelle, je me répète, nous avons fait la synthèse au congrès du Mans : rassembler le parti pour lui permettre de rassembler la gauche.



    Or, qu'il s'agisse de la gauche en général ou de notre parti, constatons-le sans dramaturgie inutile, le compte n'y est pas ! Loin s'en faut !



    Si l'on regarde autour de nous, hors de nos rangs la gauche est divisée. Non seulement elle est divisée, mais à bien y regarder, force est de constater qu'aux divisions entre partis se surajoutent des fragmentations internes. Par courtoisie, je n'en dirai pas plus. Mais les détails de cette fragmentation sont sur la place publique et font l'ordinaire des journaux.



    Plusieurs causes peuvent expliquer cette situation insatisfaisante.



    Au premier rang d'entre elles, l'erreur funeste de l'inversion du calendrier qui nous a déjà coûté cher en 2002 et qui menace de reproduire ces effets négatif sur l'indispensable processus de rassemblement. Non seulement cette inversion débouche sur une multiplication des candidatures existentielles au premier tour de la présidentielle, transformée pour la circonstance en primaire mesurant les rapports de force à l'intérieur de la gauche, mais elle bloque de surcroît toute négociation antérieure à la présidentielle sur des programmes législatifs de gouvernement. Car comment se différencier pendant la présidentielle de ses partenaires concurrents si on a signé avec eux un programme de gouvernement ?



    La seconde raison me parait être notre propre effondrement le 21 avril. Jusqu'à cette date, et depuis 1974, c'est autour du PS, challenger du second tour, que se structurait le rassemblement. De ce rassemblement potentiel, il était le noyau lourd. Son échec en 2002 a libéré les forces centrifuges qui, à l'état potentiel, sont inhérentes à la gauche. Des tentations récurrentes, refoulées jusque là par l'implacable mécanique du second tour ont retrouvé, sur sa gauche comme sur sa droite, une nouvelle vitalité.



    La troisième raison, plus contingente, réside sans doute, paradoxalement, dans la puissance et la force du vote du 29 mai. Chacune des parties ayant contribué à sa formation et à son expression croit pouvoir y puiser un nouvel élan pour se renforcer. En revendiquant la paternité de ce vote. Mais aussi en essayant de puiser, au passage, dans l'électorat socialiste, qui a constitué plus de la moitié des voix de gauche qui se sont portées sur le Non (et plus de la moitié de l'électorat socialiste)



    Si l'on ajoute à cela les concurrences traditionnelles, la description est à peu près complète.





    Il est clair que l'on ne peut se résigner à cette situation. Malgré le handicap institutionnel, malgré les divisions, il faut faire le maximum pour discuter un contrat de justice et de progrès entre toutes les formations prêtes à prendre leurs responsabilités dans un éventuel gouvernement. C'est ce que je suis allé dire aux communistes dimanche dernier au nom de notre parti. C'est ce que nous répéterons à Marie-Georges Buffet lors d'un prochain contact bilatéral. Il faut aussi, sans polémiques inutiles, s'adresser à toutes et à tous pour leur expliquer que face au danger qui menace, nul ne pourra s'exonérer de ses responsabilités de second tour. Il ne s'agit ni d'évoquer le vote utile, qui agace, ni de reconstituer la gauche plurielle : il s'agit tout simplement de regarder les choses en face et d'en appeler à la responsabilité de chacun. Et de construire, le plus rapidement possible, non pas un programme détaillé, mais le socle commun de nos engagements essentiels devant le pays : sur la démocratie retrouvée, sur l'Europe et la difficile question de la survie de l'industrie européenne, sur l'action et les services publics, sur le pouvoir d'achat et la perénité des systèmes de protection sociale.



    Je ne cesserai, pour ma part, de m'y employer. Parce que c'est une des conditions de la victoire.





    Reste notre parti et l'indispensable rassemblement des socialistes. Là non plus, mes camarades le compte n'y est pas.



    On me dira que notre unité n'est pas menacée, qu'il s'agit juste d'un mauvais moment à passer, que le mauvais spectacle ne va pas durer. Je voudrais en être sûr. Car pour l'instant, je n'ai pas le sentiment que ça s'arrange ! Au contraire je vois la liste des candidats sur le point de s'allonger. Je vois la compétition se structurer politiquement, sur des sujets qui peuvent être déflagrateurs. Je vois les acteurs du présent s'en prendre à ceux du passé, et vice versa : ce sont souvent les mêmes. J'entends des phrases blessantes qui ne cautériseront pas aussi facilement qu'on veut bien le dire.



    Je vois surtout, en lieu et place du parti rassemblé que nous avions souhaité en sacrifiant à la synthèse, des écuries structurées ou en passe de l'être. J'entends un message éclaté, des discordances amplifiées et je constate qu'une fois de plus, plutôt que de parler aux français, nous faisons parler de nous-mêmes.



    Je constate que le combat que mène avec courage une poignée de camarades à l'Assemblée Nationale sur le projet de loi GDF-Suez n'est même pas respecté.



    Partout où je passe, je me fais apostropher : « Essayez de mettre de l'ordre, faites quelque chose » me dit-on ! Dans la rue, dans les restaurants, dans les rassemblements, dans les inaugurations, dans l'avion et même sous les portiques de sécurité de l'aéroport.



    Je pensais pourtant que nous avions fait ce qu'il fallait. Mais à l'évidence, nous nous sommes trompés. Ou on nous a trompés.



    Nous étions pour une désignation tardive et une compétition la plus sobre et la plus courte possible. Nous n'avons pas été entendus. Au contraire, nous allons produire un long spectacle, lourd de dangers, tout au long de l'automne.





    Alors disons les choses clairement : ça ne peut pas durer. Ca ne doit pas durer.





    Je pense, comme beaucoup d'entre vous ici, qu'à ce stade il appartient au premier secrétaire, garant de notre unité et possédant la légitimité pour mener le combat, de prendre ses responsabilités et d'être candidat à la candidature dans le parti qui est le sien. Je pense qu'il lui appartient de renverser la table et de créer une situation où ce sera aux autres de justifier leur différence vis-à-vis d'un projet qu'ils ont tous approuvé et dont il est de garant. Ou d'expliquer leurs réticences vis-à-vis d'une personne qu'ils ont toutes et tous choisis et porté de leurs suffrages répétés, ce qui n'est pas forcément notre cas.



    Je le demande non pas à François Hollande, mais au premier secrétaire du parti élu dans nos rangs au suffrage universel. Ce qui n'est pas, à ma connaissance, un moyen de nommer à une fonction administrative. Un premier secrétaire qui a pour premier devoir de rassembler les socialistes et de tout mettre en œuvre pour rassembler la gauche.



    Ce ne serait pas comme je l'entend dire, une candidature de plus, mais au contraire une candidature qui à l'évidence en éviterait beaucoup d'autres.



    Je sais que c'est très difficile, je sais que c'est peu probable. Mais à mais a ce degré de responsabilité, les choses ne sont jamais faciles, il faut les vouloir, et les vouloir très fort.





    Et s'il ne le fait pas ?



    Et bien s'il ne le fait pas, nous serons libres. Je constaterai pour ma part que les promesses de la synthèse dans laquelle beaucoup d'entre vous sont entrés a contre cœur n'ont pas porté leurs fruits. Et nous ferons nos choix, après le dépôt des candidatures. Et je ferai le mien, mon second choix. On dit que je n'aurais pas d'avis. Dans ce « casting par défaut », j'en ai un, que personne n'en doute ! En cohérence avec les principes et les convictions qui ont toujours guidé mon action politique.





    Mais quoiqu'il arrive, je vous le demande, essayons de rester ensemble. Car à bien y regarder, il me semble que nous sommes la seule sensibilité du parti, la plus importante, à avoir jusqu'ici toujours privilégié la politique au sens le plus noble du terme en portant les couleurs du courage et du désintéressement. Il faut continuer à servir la France, et servir la gauche, et ne pas s'en servir. Merci.


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  • Argumentaire rédigé par Barbara Romagnan

    Membre du Bureau national du Parti socialiste

    Membre de la direction nationale du NPS

    Un projet conséquent (51 articles) a été examiné en Conseil des ministres le 28 juin. Il touche au code pénal, au code de la famille, de l'éducation et de la santé, il concerne essentiellement la délinquance des mineurs. Il sera présenté devant le sénat le 7 septembre. On ne voit pas en quoi il concerne la délinquance.

    LE CONTEXTE :

    Le ministre de l'Intérieur a réussi a présenté son projet en mai, devant la commission des lois, sans que les députés aient le texte. Le même scénario s'est produit devant le conseil interministériel des villes.
    Selon les promoteurs du projet la justice serait trop « laxiste »à l'égard des jeunes, ce qui développerait chez eux un sentiment d'impunité, c'est ce qui justifie cette proposition de loi. Or :
    Si le nombre de mineurs « mis en cause » a effectivement augmenté entre 1999 et 2003, leur proportion parmi l'ensemble des « mis en cause » est en recul sur la même période.
    De plus, « mis en cause » ne signifie pas forcément « coupable ». En octobre et novembre dernier, des centaines de jeunes ont été déférés au parquet de Bobigny, mais près d'un tiers ne fut même pas mis en examen, faute d'éléments suffisants.
    Quant au « laxisme » de la justice, il est lui aussi démenti par les chiffres de la chancellerie. Le taux de réponse pénale concernant les infractions commises par des mineurs est bien plus important que celui relatif aux infractions commises par des majeurs.[1]

    L'ARSENAL LEGISLATIF :

    Face à un certain nombre de mineurs en perte de repères, il ne saurait être question de nier ni la nécessité du rappel de la règle et de la loi, ni la nécessité de sanctions dans certains cas. Mais le but d'une nouvelle loi est généralement de créer de « nouveaux outils ». En matière de délinquance des mineurs était-ce nécessaire ?

    Dans ce domaine l'ordonnance de 1945 est le texte fondateur. Elaboré à la demande des résistants français qui avaient découvert en prison, l'horreur des bagnes pour enfants, il régit la responsabilité pénale des mineurs, en posant comme principe la primauté des réponses éducatives sur l'enfermement. Il s'agit d'une philosophie humaniste, progressiste qui n'exclue ni la sanction, ni la possibilité d'une détention. Ce texte a connu une trentaine de réécritures. Depuis une quinzaine d'années, ces modifications entraîne une immixtion toujours plus grande du droit pénal des majeurs, plus répressif, dans celui des mineurs.

    De plus, la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 (loi Perben I) a marqué une augmentation de la réponse pénale à la délinquance des mineurs :

    - Elle a assoupli les conditions de la retenue judiciaire des 10-13 ans et a instauré à leur endroit des « sanctions éducatives ». Elle a rendu possible le placement sous contrôle judiciaire et en détention provisoire des mineurs de 13 à 16 ans.

    - Elle a aussi créé les centres éducatifs fermés pour les jeunes âgées de 13 à 18 ans, établissements dont la mise en place est extrêmement coûteuse (800 euros par jeune et par jour). 4 ans après la création de ces centres, les résultats sont peu concluants et on constate que les crédits (et les personnels) mis à la disposition de la protection judiciaire de la jeunesse sont de plus en plus consacrés au carcéral au détriment de l'éducatif.

    LE TEXTE :

    - Le maire devient le grand ordonnateur de la prévention de la délinquance. Déjà investi de quasi pouvoirs de procureur par la loi sur l'égalité des chances qui lui permet de proposer pour certaines infractions des peines d'intérêt général, il se voit confier des pouvoirs de contrôle dans de nombreux domaines de la vie de ses administrés : coordonnateur de l'action sociale, tuteur de la vie des familles, contrôleur de l'assiduité scolaire, responsable en première intention des placements d'office psychiatriques, juge des comportements antisociaux... Le cumul des pouvoirs confiés à une autorité particulièrement soumise aux pressions de l'environnement immédiat constituerait un danger pour les libertés individuelles.

    - Le droit des mineurs est mis à mal. L'instauration d'une peine d'initiation au travail dès 13 ans, après l'apprentissage dès 14 ans, remettrait un peu plus en cause l'interdiction de faire travailler un mineur avant 16 ans. La création d'une procédure de comparution quasi-immédiate pour les 16-18 ans signerait la fin de la spécificité de la justice des mineurs.

    - Le projet demande notamment aux travailleurs sociaux de renoncer au secret professionnel. Ce nouveau partenariat implique la mise en commun d'informations nominatives, non seulement sur les délinquants, mais aussi sur les populations considérées comme « à risque », soit les enfants, jeunes ou familles rencontrant des difficultés matérielles, éducatives ou sociales. Sur la base de critères flous, ces personnes seront signalées au maire, c'est-à-dire à un politique, qui à partir de là constituera un fichier informatisé. Cette mesure constitue évidemment une remise en cause profonde de la nature même de leur travail qui repose sur une relation de confiance.

    On peut enfin noter que les rapports qui ont préparé la future loi n'ont jamais évoqué l'insécurité sociale comme facteur explicatif de la délinquance. Il est vrai que le ministre de l'Intérieur a fustigé tous ceux qui « à force d'expliquer l'inexplicable en était venus à excuser l'inexcusable ».Pourtant il paraît difficile de passer sous silence tous les processus de marginalisation et de paupérisation de populations soumises à la ségrégation urbaine. Or, ce sont bien les conditions sociales dans lesquelles vivent les personnes qui permettent de comprendre la délinquance. On ne construit pas la sécurité sur de l'insécurité sociale. La stigmatisation en bloc, l'ethnicisation des questions de sécurité, si elle rassure une partie de l'opinion, ne font qu'exacerber la violence et la tension qui pèsent sur les professionnels de la prévention comme sur les populations des quartiers dits « sensibles ».


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